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ثقافة Dans une interview publiée en 2012 : Le cinéaste Hamouda Ben Hlima parle de ses 3 films: Terre des hommes, Khlifa Lagraa et Le Réverbère

نشر في  11 ماي 2017  (14:20)

Le cinéaste Hamouda Ben Hlima nous a quittés en février dernier après avoir laissé 3 œuvres cinématographiques : Terre des hommes (1962-1963), Khlifa Lagraa (1969) et Le Réverbère, une adaptation de la nouvelle D’Ali Douaji (1972). Nous republions avec l’aimable accord de Nacer Sardi l’interview qu’il lui a accordée avec Fathi Doghri en mars 2012.

   Malgré l’ingratitude, malgré l’oubli, Hamouda Ben Hlima garde une passion intacte pour le cinéma. C’est revigorant pour nous qui aimons cet art. La discussion avec lui nous a plongés dans l’histoire si proche, mais qui apparait si lointaine, du cinéma tunisien. Il est l’un des pionniers et surtout l’un des rares qui a une pensée cinématographique très manifeste. Nous l’avons constaté de visu lors de l’hommage que l’ARTF lui a rendu le 18 février 2012 en projetant les rares films qu’il a pu réaliser. 

    Hamouda Ben Hlima nous a raconté le choc émotionnel et les sensations que lui a procurées, alors qu’il était encore enfant, sa participation à des petites pièces de théâtre scolaire. « C’était, nous dit-il, un autre univers pour moi, fait de déguisements et de travestissement. Jouer la comédie me permettait de surmonter ma timidité naturelle. Je pense que ma vocation par la suite vient de ce choc émotionnel premier ».

Ce goût pour le spectacle H. Ben Hlima va le développer encore plus lorsqu’il va intégrer le Collège Sadiki dans les années 50 « Nous avions un professeur, Mr Bouvé, sympathisant de la cause tunisienne et surtout un mordu du théâtre. Il animait un atelier au collège et il nous trainait avec lui au théâtre municipal à chaque fois qu’il y avait une pièce intéressante. Fréquenter le monde du spectacle était très stimulant pour un jeune étudiant comme moi. Il faut rajouter qu’à cette époque j’ai intégré la Fédération des Cinéclub qui était très dynamique et très formatrice ».

Son bac en poche H. ben Hlima décroche une bourse pour aller suivre une formation à l’HIDEC et fera ainsi partie de la première génération de tunisiens diplômés  de cinéma.

    De retour au pays, en 1961, avec un diplôme de montage, il intègre tout naturellement la toute jeune SATPEC (La Société anonyme tunisienne de production et d'expansion cinématographique. 1957 à 1981).

Mais  il va très vite être désenchanté par la gestion bureaucratique de cette entreprise, et ne tardera pas à se rebeller avec d’autres jeunes cinéastes en démissionnant avec fracas ; ce qui ne manquera pas à leur causer des ennuis avec l’administration (confiscation de passeport, interdit de quitter le territoire…)

Entretemps Taher Cheriaa, monte le service cinéma au sein du Secrétariat d’Etat de la Culture.

H.Ben Hlima raconte : « Comme certains jeunes collègues de l’époque c’est grâce à ce service que j’ai pu réaliser mon premier film TERRE DES HOMMES en 1962/63. Au fait il s’agit d’une commande du Ministre omnipotent de l’époque pour réaliser un film à la gloire des coopératives agricoles. Taher Cheriaa a fait un  appel à projets, j’ai déposé comme d’autres une idée d’un documentaire et c’est elle qui a été retenue. Et c’est ainsi que je suis parti filmer au nord -est avec une caméra 16, un opérateur (Toto Msika) et une voiture de régie. Une fois tourné, la pellicule a été envoyée à Paris pour développement et montage. D’ailleurs j’ai failli ne pas assurer le montage puisqu’on m’a empêché de quitter le territoire suite à mes différents avec la SATPEC et ce n’est qu’après des interventions qu’on m’a livré un laisser passer me permettant d’aller finir le film).

TERRE DES HOMMES a été projeté  au Ministre commanditaire (Ahmed Ben Saleh) qui l’a tout de suite bloqué parce que  à son gout, il montrait trop la misère et la peine des hommes ».

 Grâce à la projection organisée par l’ARTF que H. Ben Hlima revoit ce film pour la première fois depuis 1963. L’émotion était palpable. Et comment ! Le film garde une fraicheur étonnante et un impact cinématographique immédiat. H. Ben Hlima l’explique par le fait qu’il avait « une foi dans la création artistique et une sincérité dans l’approche du sujet ce qui se traduit par une tendresse et une empathie pour les gens que je filmais ». 

Nous avons demandé à H.Ben Hlima comment se fait-il qu’il était absent des premières JCC de 1966 ainsi que tous les premiers cinéastes formés par les grandes écoles.

Ben Hlima répond : « Taher Cheriaa a déclaré qu’il a fait appel à films pour les présenter à la sélection des JCC et qu’aucun de nous n’a osé. Ce n’est pas tout à fait exact. Je pense que l’administration a décidé d’aider un cinéaste autodidacte et a parié sur lui pour une raison ou pour une autre. Le problème est là, c’est le fait du prince. On n’a jamais vraiment aidé les cinéastes qu’on a chèrement formés.  Voyez  KHLIFA LAGRAA, je l’ai fait sans grand soutien, avec des bouts de ficelles et le dévouement des techniciens et des comédiens. J’ai commencé à tourner pendant une semaine avec le matériel et la régie de la télévision puis j’étais obligé de tout arrêter. Et ce n’est qu’après avoir réintégré  la SATPEC que j’ai pu le reprendre, presque clandestinement. C’est très dur de faire ce métier parce que tant qu’il n’y a pas de commissions élues et indépendantes qui octroient les aides sans intervention de l’Etat, les vrais projets de cinéma ne trouveront jamais le chemin de la réalisation »

KHLIFA LAGRAA fut présenté aux JCC 1970. Il frappa les esprits par son audace et surtout par la modernité de son écriture. Pour Hamouda Ben Hlima ce film était « dans l’air du temps. La nouvelle vague triomphait et le thème la jeunesse avec ses désirs et ses frustrations était de mode sauf que je l’ai situé dans un cadre bien tunisien. Je me suis appuyé sur une nouvelle de Béchir Khraif qui a une fibre populaire proche de la mienne et puis j’ai situé l’action à la Médina qui était méprisé à l’époque. Je voulais faire un film nouveau qui ne se contente pas à copier des modèles ». 

     La fibre populaire de Hamouda Ben  Hlima, nous la retrouvons dans sa dernière expérience cinématographique, l’adaptation de la nouvelle d’Ali Douaji «LE REVERBERE » en 1972.

H. Ben Hlima raconte : « Là aussi il s’agit d’une commande. Pour célébrer le centenaire d’Ali Douaji le Ministère de la Culture décida de tirer un film de l’une de ses œuvres et  Chedli Klibi me chargea de le réaliser. Je n’ai pas trouvé chez Douaji une œuvre qui pourrait tenir un long métrage, mais, par contre, il avait pleins de nouvelles très intéressantes. L’idée de faire un  film à sketchs m’est venue à l’esprit. J’ai choisi d’adapter LE REVERBERE que j’aimais et qui présentait à moi un défi stylistique. Ben Khlifa a réalisé le deuxième volet, SAHERTO, Boughdir le troisième, LE PIQUE NIQUE ».

    Après cette dernière tentative très marquante, Hamouda Ben Hlima a quitté la scéne cinématographique, dégouté comme il le dit : «  par le mépris des artistes et la main mise de la bureaucratie sur la création artistique ».

      Aujourd’hui, l’œuvre de Hamouda Ben Hlima prend, malgré un nombre restreint de films, une dimension fondatrice que le cinéma tunisien n’a pas pu mettre en valeur ou, peut-être, pas su détecter l’importance.

Propos recueillis par Nacer Sardi et Fathi Doghri 

Mars 2012